Six fards
Résidence
au Lycée agricole du Neubourg
Centre photographique Rouen Normandie
Commissariat : Raphaëlle Stopin
Le Neubourg
2019/20
Série de neuf tirages couleur lambda
sur fujiflex.
Le fard remplace d’une couche mince cette surface cutanée qui nous relie au monde. Comme notre peau les aliments et les outils sont sujets aux mêmes injonctions idéalisées de beauté. Ici la brillance est accentuée, là l’imprefection disparait. Pour un effet “naturel” on ajoute un composé chimique et pour accroitre les ventes on fait briller la texture. Quelques clichés en somme, sur la forme des choses.
Centre photographique Rouen Normandie
Commissariat : Raphaëlle Stopin
Le Neubourg
2019/20
Série de neuf tirages couleur lambda
sur fujiflex.
Le fard remplace d’une couche mince cette surface cutanée qui nous relie au monde. Comme notre peau les aliments et les outils sont sujets aux mêmes injonctions idéalisées de beauté. Ici la brillance est accentuée, là l’imprefection disparait. Pour un effet “naturel” on ajoute un composé chimique et pour accroitre les ventes on fait briller la texture. Quelques clichés en somme, sur la forme des choses.
Où sommes-nous ?
Chez toi, mais chez toi, c’est où ?
C’est le Lycée agricole du Neubourg ?
Mais le lycée est vide, printemps 2020, historique
C’est là qu’était ce tracteur, est-ce qu’il roule encore, on ne sait pas, on ne croit pas
Il y a toi et moi, tu sais, comme les cageots de légumes,
Toi et Moi, la marque
Qu’est-ce qu’on se dit, toi et moi ?
Toi c’est les élèves de Term MMA, de Term CGEA et de Première STAV et tous les autres
Toi, c’est les prof de socio-cu et beaucoup d’autres, qui font corps avec ce qu’on fait, là, dans ce lycée
Toi, c’est l’artiste en résidence
Et c’est le centre photographique de Normandie, et la personne qui vit de et dans
Toi, c’est aussi celui qui fait atelier d’écriture de ça
Toi, c’est l’ancienne prof de socio-cu aussi, qui a impulsé la foulée de ce genre de truc culturel dans le lycée
Toi, c’est les parents, c’est aussi les habitants de la Ville
C’est des ami.e.s aussi, c’est des artistes, c’est le monde de l’art
C’est aussi le beau monde, les officiels, toi, c’est aussi ça
Et moi ?
Moi ?
C’est les mêmes
Les mêmes ?
Les mêmes
Mais en correspondances aléatoires
La puissance de toi, et la puissance de moi, c’est juste la même, variée, décuplée ou flétrie, activée ou annulée, dans la relation, dans la correspondance
Il y a toi, il y a moi, et il y a cet effort particulier d’aller à toi, d’aller à moi
Et ce n’est ni de la mécanique ni alimentaire, je ne te mange pas, tu ne me manges pas (quoique ?)
Tu ne me fabriques pas, je ne te fabrique pas (quoique ?)
Je ne t’utilise pas, tu ne m’utilises pas (quoique ?)
Toi et moi, distanciation sociale !
Et l’amour qu’on a les uns pour les autres, il s’exprime comment ?
Et la haine des mecs qui se battent, elle s’exprime comment ?
Et le toucher de tout ce qui nous touche, ça se passe comment ?
Ici, quand on va poser la question : « Et toi ? »
Ce sera qui, « toi » ?
Ce sera toujours moi, mais à un endroit différent, n’est-ce pas ?
Je peux ne pas répondre, je peux gamberger, je peux râler, je peux m’enthousiasmer, je peux te répondre par réponses interposées à d’autres, il y a de la place, partout, pour s’exprimer, pour faire face, pour aller à la relation
Ça c’est une image qui t’appelle alors que tu n’as pas pensé la faire, c’est bien ça ?
Oui
Tu te baladais avec une aubergine, tu cherchais où et avec quoi la mettre en rapport, en rapport formel, avec les moteurs par exemple, et en rapport avec les outils, avec le fait qu’il y a eu des outils pour la produire
C’est ça
Et si on regarde bien, ton aubergine, il y a un truc un peu spécial dessus, une enveloppe, un emballage curieux : un pelliculage
…
Que tu as fait, toi, non pour la vendre mais pour la montrer quelque part
…
Et ce pelliculage, c’est le même film qu’un des élèves utilise pour son tuning, le tuning de voiture, sa passion
…
C’est ça qui la rend verte et violette, selon nos mouvements, nos déplacements de regard, la couleur change quand on bouge
…
Il faut vouloir regarder pour voir ça, hein ?
Oui
C’est beau !
Oui
Comme les pommes en supermarché : elles aussi ont été pelliculées, pour briller plus, pour se vendre plus et c’est comme des pommes en plastique – il faut vraiment vouloir regarder
…
Parce qu’en plus, l’aubergine, ce n’est pas tout de suite qu’on la voit
Non
… Je me suis trompé, l’aubergine pelliculée, elle est dans une autre image, je me suis laissé emporter par tes autres images et leur technique, leur passion de l’enveloppe, de l’enrobage, du pelliculage, du film – ce vocabulaire commun à la photographie, or, ici, l’aubergine est nue
oui
Reprenons : tu te balades avec l’aubergine nue dans le lycée vide, tu vois ce tracteur à l’abandon, dans un coin, et hop, ça ne prend pas plus de 20 secondes, tu poses l’aubergine sur le siège du conducteur, non, d’abord tu t’assois à la place du conducteur, tu ressens le conducteur, la cabine du tracteur, puis tu descends et tu poses l’aubergine et tu prends la photo
Oui
Tu ne réfléchis pas trop, tu prends la photo
Oui
Avant et après, ça réfléchit
Oui
Et c’est une image qui t’appelle parce que tu n’as pas pensé la faire
Oui
Et c’est une image qui répond bien
Oui
(où se trouve la place de ceux qui regardent, qui lisent, là, autour, et qui, à tout moment, vontfaire l’image, vont écrire la parole de l’image, vont répondre à la question : « et toi ? », où se trouve-t-elle, cette place, qui à la fois veut oublier la tienne et à la fois la rencontrer, la retrouver, où se trouve-t-elle ?)
Et à quoi est-ce qu’elle répond, l’image faite ?
?
Le geste que tu as fait disparaît
C’est ça
Le geste c’est d’avoir posé l’aubergine sur le siège, ça c’est le geste
Oui
Le geste au sens fort de faire un geste d’artiste, le genre de geste qu’on reconnaît en chaque artiste, ah ! cet artiste, se dit-on, c’est ce geste-là, c’est bien ça ?
Oui
Non, le geste, ce n’est pas seulement d’avoir posé l’aubergine comme tu as posé mettons une graine, pelliculée ou non, à hauteur d’œil et sur une espèce de socle visuel, et ici, avec le tracteur, le socle ce serait là où tu poses ton cul, ce n’est pas seulement ça, le geste, le geste, c’est de faire disparaitre le geste : tiens, je n’avais pas vu, se dit le regardeur, la regardeuse, il y a une aubergine posée, oubliée sur ce siège, pourquoi donc ? c’est un peu ça ?
Oui
Et du coup, ce qui fonctionne, ce qui fonctionne dans le moteur du cerveau, dans le moteur de l’œil, ce qui fonctionne, c’est la perfection, la clarté, l’ordre parfait de l’aubergine, en contraste avec le désordre, la vétusté, avec le côté périmé de ce tracteur
Tout à fait
Tu ne voulais plus être dans la dimension du reportage, qui est la dimension principale, habituelle, de ton travail
C’est ça
Tu ne pouvais pas parce qu’il n’y avait plus personne dans le lycée, à cause de la Covid
C’est ça
Tu te retrouvais donc tout seul, et tu ne pouvais plus faire ce que tu avais l’habitude de faire, prendre beaucoup aux gens, prendre la vie qu’ils te racontent, et documenter ça, leurs gestes à eux, le geste de chacun.e, le geste-artiste de chacun.e, tu ne pouvais pas
Non
Et c’est ton geste à toi qu’il fallait prendre, qu’il fallait faire, qui était le sujet, qui devenait le sujet de ton image
C’est ça
Et en même temps, ça t’ennuie, les images qui n’ont pour seul sujet que leur « geste », que leur tour esthétique, ça t’ennuie, tu sors de l’intérêt, dis-tu, du regard vraiment intéressé par ce qu’il voit
C’est ça
Donc tu dissous le geste dans quelque chose de plus vaste, tu te confrontes au désordre que l’ordre de ton geste ne peut pas ordonner, tu documentes ton geste, tu retrouves ce goût contrasté pour l’art et le document, pour l’art comme document et pour la valeur vraiment artistique du document, tu retrouves une école artistique que tu aimes bien, qui a structuré ton travail, une école qui diminue la dimension du regardeur et qui augmente la place du sujet photographié, une certaine école du neutre, et donc là, tu vibres, devant toi-même exactement comme devant autrui
Oui
Et nous, qui nous retrouvons seul.e.s devant ça, on voit quoi ? on pense quoi ? on comprend quoi ?
?
L’aubergine est paisible, elle est moelleuse, elle est repos, elle est relâchement, elle est décontraction – tiens ! on dirait un poivron, au-dessus, au niveau du dossier, si on ne regarde pas bien, on dirait un poivron, marrant ! ce n’est pas un poivron, c’est, ça a bien l’air d’être l’axe de l’ancien accoudoir du siège, cassé, c’est juste une forme en plastique, une forme cassée
Ce n’est pas un poivron, c’est l’axe de l’ancien accoudoir
C’est un endroit où, enfant, on aimerait jouer, non ?
C’est vrai
Et en même temps, toi, un autre toi, un tout autre que toi, tu dis : « Finalement, ça me fait penser à une vanité, oui, une vanité : c’est un vieux tracteur, tout pourri, tout dézingué et c’est une belle aubergine qui si elle reste là plus longtemps va pourrir, et plus vite que le tracteur : dieu comme tout ça est vain ! et peut-être même le geste d’artiste ! et peut-être même le geste du regardeur, de la regardeuse ! et peut-être même… ! »
Ok, oui…
C’est beau ! c’est beau, non ?
C’est beau
Mais justement on te posait la question, sourdement, on te demandait : mais pourquoi tu ne photographies pas beau ? on avait l’air perplexe, croyais-tu, et sourdement ça te faisait chier, à la fois la question conne de la beauté et à la fois tes ailes coupées de photographe sans beau
Oui
Et tu avais besoin d’aller chercher de ce côté-là, avec, à côté de toi, des gens qui aiment la beauté kitsch des couchers de soleil, de belles images, de beaux posters contrastant avec le milieu agricole, et qui aiment aussi le beau utile, le beau champ parce que bien cultivé, le beau tracteur parce que bien performant, etc.
C’est ça
Et en fait, ce que tu vois, et ce que tu veux documenter, c’est, sous couvert de beau, le goût du faux, et tout ce qu’on va voir avec ton regard, ce sera du faux dans du faux mais faudra bien regarder pour voir le faux
Oui
Et non plus tomber dans le faux – faillir, « faux », c’est une conjugaison inusitée du verbe faillir, tomber, rater la marche, rater ce qu’on veut
Comment ? qu’est-ce que tu dis ?
Le beau, en agriculture comme partout, en art comme partout, c’est une histoire de maquillage, et c’est beau d’aller voir l’art et la manière du maquillage, de nos maquillages
C’est ta manière à toi, de le dire
C’est beau ?
C’est beau
Mais « beau » ne se dissout jamais complètement, n’est-ce pas, comme le « Beau, beau et con à la fois » de Jacques Brel, on se garde notre « Beau, beau et vrai à la fois » dans notre chambre claire, à l’abri des regards indiscrets
On ?
Tous, même les commissaires d’expo d’art contemporain, qui ne parleront jamais de beau, parce que c’est tabou, parce que c’est périmé, parce que c’est ringard, mais qui se le gardent, dans leur chambre claire, à l’abri des regards indiscrets
Tous ?
Tous
Ça, c’est toi qui le dis
Oui
Mais toi ? ce que tu vois, ce que tu veux, ce que tu reçois, ce que tu comprends, ce qui t’émeut, c’est quoi ?
…
Parce que là, tout ce que tu as fait, à part cette fin qui t’appartient plus qu’à moi, c’est de traduire ce que j’ai dit de ce que j’ai fait et essayé de faire
Oui
Philippe Ripoll - Sylvain Gouraud
Chez toi, mais chez toi, c’est où ?
C’est le Lycée agricole du Neubourg ?
Mais le lycée est vide, printemps 2020, historique
C’est là qu’était ce tracteur, est-ce qu’il roule encore, on ne sait pas, on ne croit pas
Il y a toi et moi, tu sais, comme les cageots de légumes,
Toi et Moi, la marque
Qu’est-ce qu’on se dit, toi et moi ?
Toi c’est les élèves de Term MMA, de Term CGEA et de Première STAV et tous les autres
Toi, c’est les prof de socio-cu et beaucoup d’autres, qui font corps avec ce qu’on fait, là, dans ce lycée
Toi, c’est l’artiste en résidence
Et c’est le centre photographique de Normandie, et la personne qui vit de et dans
Toi, c’est aussi celui qui fait atelier d’écriture de ça
Toi, c’est l’ancienne prof de socio-cu aussi, qui a impulsé la foulée de ce genre de truc culturel dans le lycée
Toi, c’est les parents, c’est aussi les habitants de la Ville
C’est des ami.e.s aussi, c’est des artistes, c’est le monde de l’art
C’est aussi le beau monde, les officiels, toi, c’est aussi ça
Et moi ?
Moi ?
C’est les mêmes
Les mêmes ?
Les mêmes
Mais en correspondances aléatoires
La puissance de toi, et la puissance de moi, c’est juste la même, variée, décuplée ou flétrie, activée ou annulée, dans la relation, dans la correspondance
Il y a toi, il y a moi, et il y a cet effort particulier d’aller à toi, d’aller à moi
Et ce n’est ni de la mécanique ni alimentaire, je ne te mange pas, tu ne me manges pas (quoique ?)
Tu ne me fabriques pas, je ne te fabrique pas (quoique ?)
Je ne t’utilise pas, tu ne m’utilises pas (quoique ?)
Toi et moi, distanciation sociale !
Et l’amour qu’on a les uns pour les autres, il s’exprime comment ?
Et la haine des mecs qui se battent, elle s’exprime comment ?
Et le toucher de tout ce qui nous touche, ça se passe comment ?
Ici, quand on va poser la question : « Et toi ? »
Ce sera qui, « toi » ?
Ce sera toujours moi, mais à un endroit différent, n’est-ce pas ?
Je peux ne pas répondre, je peux gamberger, je peux râler, je peux m’enthousiasmer, je peux te répondre par réponses interposées à d’autres, il y a de la place, partout, pour s’exprimer, pour faire face, pour aller à la relation
Ça c’est une image qui t’appelle alors que tu n’as pas pensé la faire, c’est bien ça ?
Oui
Tu te baladais avec une aubergine, tu cherchais où et avec quoi la mettre en rapport, en rapport formel, avec les moteurs par exemple, et en rapport avec les outils, avec le fait qu’il y a eu des outils pour la produire
C’est ça
Et si on regarde bien, ton aubergine, il y a un truc un peu spécial dessus, une enveloppe, un emballage curieux : un pelliculage
…
Que tu as fait, toi, non pour la vendre mais pour la montrer quelque part
…
Et ce pelliculage, c’est le même film qu’un des élèves utilise pour son tuning, le tuning de voiture, sa passion
…
C’est ça qui la rend verte et violette, selon nos mouvements, nos déplacements de regard, la couleur change quand on bouge
…
Il faut vouloir regarder pour voir ça, hein ?
Oui
C’est beau !
Oui
Comme les pommes en supermarché : elles aussi ont été pelliculées, pour briller plus, pour se vendre plus et c’est comme des pommes en plastique – il faut vraiment vouloir regarder
…
Parce qu’en plus, l’aubergine, ce n’est pas tout de suite qu’on la voit
Non
… Je me suis trompé, l’aubergine pelliculée, elle est dans une autre image, je me suis laissé emporter par tes autres images et leur technique, leur passion de l’enveloppe, de l’enrobage, du pelliculage, du film – ce vocabulaire commun à la photographie, or, ici, l’aubergine est nue
oui
Reprenons : tu te balades avec l’aubergine nue dans le lycée vide, tu vois ce tracteur à l’abandon, dans un coin, et hop, ça ne prend pas plus de 20 secondes, tu poses l’aubergine sur le siège du conducteur, non, d’abord tu t’assois à la place du conducteur, tu ressens le conducteur, la cabine du tracteur, puis tu descends et tu poses l’aubergine et tu prends la photo
Oui
Tu ne réfléchis pas trop, tu prends la photo
Oui
Avant et après, ça réfléchit
Oui
Et c’est une image qui t’appelle parce que tu n’as pas pensé la faire
Oui
Et c’est une image qui répond bien
Oui
(où se trouve la place de ceux qui regardent, qui lisent, là, autour, et qui, à tout moment, vontfaire l’image, vont écrire la parole de l’image, vont répondre à la question : « et toi ? », où se trouve-t-elle, cette place, qui à la fois veut oublier la tienne et à la fois la rencontrer, la retrouver, où se trouve-t-elle ?)
Et à quoi est-ce qu’elle répond, l’image faite ?
?
Le geste que tu as fait disparaît
C’est ça
Le geste c’est d’avoir posé l’aubergine sur le siège, ça c’est le geste
Oui
Le geste au sens fort de faire un geste d’artiste, le genre de geste qu’on reconnaît en chaque artiste, ah ! cet artiste, se dit-on, c’est ce geste-là, c’est bien ça ?
Oui
Non, le geste, ce n’est pas seulement d’avoir posé l’aubergine comme tu as posé mettons une graine, pelliculée ou non, à hauteur d’œil et sur une espèce de socle visuel, et ici, avec le tracteur, le socle ce serait là où tu poses ton cul, ce n’est pas seulement ça, le geste, le geste, c’est de faire disparaitre le geste : tiens, je n’avais pas vu, se dit le regardeur, la regardeuse, il y a une aubergine posée, oubliée sur ce siège, pourquoi donc ? c’est un peu ça ?
Oui
Et du coup, ce qui fonctionne, ce qui fonctionne dans le moteur du cerveau, dans le moteur de l’œil, ce qui fonctionne, c’est la perfection, la clarté, l’ordre parfait de l’aubergine, en contraste avec le désordre, la vétusté, avec le côté périmé de ce tracteur
Tout à fait
Tu ne voulais plus être dans la dimension du reportage, qui est la dimension principale, habituelle, de ton travail
C’est ça
Tu ne pouvais pas parce qu’il n’y avait plus personne dans le lycée, à cause de la Covid
C’est ça
Tu te retrouvais donc tout seul, et tu ne pouvais plus faire ce que tu avais l’habitude de faire, prendre beaucoup aux gens, prendre la vie qu’ils te racontent, et documenter ça, leurs gestes à eux, le geste de chacun.e, le geste-artiste de chacun.e, tu ne pouvais pas
Non
Et c’est ton geste à toi qu’il fallait prendre, qu’il fallait faire, qui était le sujet, qui devenait le sujet de ton image
C’est ça
Et en même temps, ça t’ennuie, les images qui n’ont pour seul sujet que leur « geste », que leur tour esthétique, ça t’ennuie, tu sors de l’intérêt, dis-tu, du regard vraiment intéressé par ce qu’il voit
C’est ça
Donc tu dissous le geste dans quelque chose de plus vaste, tu te confrontes au désordre que l’ordre de ton geste ne peut pas ordonner, tu documentes ton geste, tu retrouves ce goût contrasté pour l’art et le document, pour l’art comme document et pour la valeur vraiment artistique du document, tu retrouves une école artistique que tu aimes bien, qui a structuré ton travail, une école qui diminue la dimension du regardeur et qui augmente la place du sujet photographié, une certaine école du neutre, et donc là, tu vibres, devant toi-même exactement comme devant autrui
Oui
Et nous, qui nous retrouvons seul.e.s devant ça, on voit quoi ? on pense quoi ? on comprend quoi ?
?
L’aubergine est paisible, elle est moelleuse, elle est repos, elle est relâchement, elle est décontraction – tiens ! on dirait un poivron, au-dessus, au niveau du dossier, si on ne regarde pas bien, on dirait un poivron, marrant ! ce n’est pas un poivron, c’est, ça a bien l’air d’être l’axe de l’ancien accoudoir du siège, cassé, c’est juste une forme en plastique, une forme cassée
Ce n’est pas un poivron, c’est l’axe de l’ancien accoudoir
C’est un endroit où, enfant, on aimerait jouer, non ?
C’est vrai
Et en même temps, toi, un autre toi, un tout autre que toi, tu dis : « Finalement, ça me fait penser à une vanité, oui, une vanité : c’est un vieux tracteur, tout pourri, tout dézingué et c’est une belle aubergine qui si elle reste là plus longtemps va pourrir, et plus vite que le tracteur : dieu comme tout ça est vain ! et peut-être même le geste d’artiste ! et peut-être même le geste du regardeur, de la regardeuse ! et peut-être même… ! »
Ok, oui…
C’est beau ! c’est beau, non ?
C’est beau
Mais justement on te posait la question, sourdement, on te demandait : mais pourquoi tu ne photographies pas beau ? on avait l’air perplexe, croyais-tu, et sourdement ça te faisait chier, à la fois la question conne de la beauté et à la fois tes ailes coupées de photographe sans beau
Oui
Et tu avais besoin d’aller chercher de ce côté-là, avec, à côté de toi, des gens qui aiment la beauté kitsch des couchers de soleil, de belles images, de beaux posters contrastant avec le milieu agricole, et qui aiment aussi le beau utile, le beau champ parce que bien cultivé, le beau tracteur parce que bien performant, etc.
C’est ça
Et en fait, ce que tu vois, et ce que tu veux documenter, c’est, sous couvert de beau, le goût du faux, et tout ce qu’on va voir avec ton regard, ce sera du faux dans du faux mais faudra bien regarder pour voir le faux
Oui
Et non plus tomber dans le faux – faillir, « faux », c’est une conjugaison inusitée du verbe faillir, tomber, rater la marche, rater ce qu’on veut
Comment ? qu’est-ce que tu dis ?
Le beau, en agriculture comme partout, en art comme partout, c’est une histoire de maquillage, et c’est beau d’aller voir l’art et la manière du maquillage, de nos maquillages
C’est ta manière à toi, de le dire
C’est beau ?
C’est beau
Mais « beau » ne se dissout jamais complètement, n’est-ce pas, comme le « Beau, beau et con à la fois » de Jacques Brel, on se garde notre « Beau, beau et vrai à la fois » dans notre chambre claire, à l’abri des regards indiscrets
On ?
Tous, même les commissaires d’expo d’art contemporain, qui ne parleront jamais de beau, parce que c’est tabou, parce que c’est périmé, parce que c’est ringard, mais qui se le gardent, dans leur chambre claire, à l’abri des regards indiscrets
Tous ?
Tous
Ça, c’est toi qui le dis
Oui
Mais toi ? ce que tu vois, ce que tu veux, ce que tu reçois, ce que tu comprends, ce qui t’émeut, c’est quoi ?
…
Parce que là, tout ce que tu as fait, à part cette fin qui t’appartient plus qu’à moi, c’est de traduire ce que j’ai dit de ce que j’ai fait et essayé de faire
Oui
Philippe Ripoll - Sylvain Gouraud
Where are we?
Your place, but where is your place?
It’s the agricultural high school in Neubourg?
But the high school is empty, Spring, traditional
The tractor was here, does it still work? we don’t know, we don’t think so
There’smeandyou, you know, like the fruit crates
Me andYou, the brand
What do you and me say to each other?
For you, it’s the final year students in MMA, in CGEA and 11th-grade STAV, and all of the others
For you, it’s the teachers from socio-cultural studies and lots of others, who are part of what we do here in this high school
You’re the resident artist
And it’s the Photography center of Normandy, and the person who lives from and in
You also give a writing workshop here
You’re also the former teacher of socio-cu, who started this kind of cultural thing in the school
You’re the parents, who are also the city’s inhabitants
Friends too, artists, the art world
The beautiful people too, officials, you’re that too
And me?
Me?
It’s the same
The same?
The same
But in random correspondences
Your power, and my power, are quite the same, varied, increased or decreased, activated or canceled, in relationships, in correspondences
There’s you, and there’s me, and there’s this particular effort of going to you, of going to me
And it is neither mechanical nor alimentary, I don’t eat you, you don’t eat me (although?)
You don’t make me, I don’t make you (although?)
I don’t use you, you don’t use me (although?)
You and me, social distancing!
And the love we have for each other, how will it be expressed?
And the hatred of men who fight, how will it be expressed?
And the touch of all that touches us, how will this take place?
Here, when we ask the question: “And you?”
Who will “you” be?
It will always be me, but in a different place, right?
I can not answer, I can overthink, I can complain, I can answer with answers interposed with other answers, there is room, everywhere, to express oneself, to deal with, to move toward the relationship
This is an image that calls you even though you hadn’t thought of doing it, is that it?
Yes
You were walking with an aubergine, you were looking where, and with what, to connect it, in a formal relationship, with motors for example, and in relation to tools, consistent with the fact that there were tools there for producing
That’s it
And if we look properly at your aubergine, there’s something special on it, an envelope, a strange wrapping; a plastic film...
That you yourself made, not to sell it but to display it somewhere…
And the film is the same material that one of the students uses for customizing, for customizing his car, his passion
...
This is what makes it green and purple, depending on our movements, how our view shifts, the color changes as we move
...
You have to want to look in order to see that, no?
Yes
It’s beautiful
Yes
Like apples in a supermarket: they have also been wrapped, to shine more, to sell more, and they look like plastic apples – you really have to want to look
...
Because, what’s more, the aubergine, we don’t see it right away
No
...I made a mistake, the plasticized aubergine is in another image, I got carried away by your other images and their technique, their desire to envelop, to enrobe, for wrapping, for film – this common vocabulary with photography, whereas, here, the aubergine is bare
yes
You’re walking through an empty high school with a bare aubergine, you see this abandoned tractor in a corner and, hey, it doesn’t take more than 20 seconds, you place the aubergine on the driver’s seat, no, first you sit in the driver’s seat, you feel the driver, the cabin of the tractor, then you get down, you place the aubergine and you take the photo
Yes
You don’t overthink it, you take the photo
Yes
The thinking is done before and after
Yes
And it’s an image that calls to you because you hadn’t planned to take it
Yes
And it’s an image that responds well
Yes
(where is the location of those who look, who read, here, around, and who, at all moments, will make images, writing the speech of the image, answering the question “and you?” where is it, this place, that wishes to simultaneously forget yours and at the same time encounter it, find it, where is it?)
And to what does it respond, the image that is made?
?
The gesture that you made disappear
That’s it
The gesture is to have placed the aubergine on the seat, that is the gesture
Yes
The gesture in the strong sense of an artist’s gesture, the kind of gesture that one recognizes in every artist, ah! This artist, one says, with that gesture, is this it?
Yes
No, the gesture is not only that of having placed the aubergine as you placed it, let us place a seed, plasticized or not, at eye level and on a kind of visual platform, and here, with the tractor, the platform is there where you place your ass, it is more than this, the gesture, it is to make the gesture disappear: here, I hadn’t seen this, says the looker, there is an aubergine that has been placed, forgotten on this seat, why? Is that it?
Yes
And so, what works, what functions in the brain’s engine, in the eye’s engine, what functions, is perfection, clarity, the perfect order of the aubergine, in contrast with the disorder, the dilapidation, the outdated aspect of this tractor.
I agree
You didn’t want to approach it like a news story, which is the principal, usual approach of your work
That’s right
You couldn’t because there was no one left in the high school, because of Covid
That’s right
So you found yourself all alone, and you couldn’t do what you usually do, take a lot from people, take the life that they tell you, and document it, their own gestures, the gestures of each person, the gesture-artist of each person, you couldn’t
No
And so it was your own gesture that you had to take, that you had to make, that was the subject, that became the subject of your image
That’s right
And at the same time, it bored you, images whose only subject is their “gesture,” their aesthetic number, this bores you, you are no longer of interest, you tell yourself, to a gaze truly interested in what it sees
That’s right
So you dissolve the gesture in something more vast, you confront the disorder that the order of your gesture can not order, you document your gesture, you rediscover this contrasted taste for art and the document, for art as document, and for the truly artistic value of the document, you find an art school that you love, that structured your work, a school that reduces the dimension of the looker and that enhances the place of the photographed subject, a certain school of the neutral, and so there, you vibrate, in front of yourself exactly as in front of another
Yes
And we, who find ourselves in front of this, what do we see? What do we think? What do we understand?
?
The aubergine is peaceful, it is soft, it is restful, it is relaxing, it is casual – here! It looks like a pepper, above, at the level of the seat-back, if one doesn’t look closely, it looks like a pepper! It’s not a pepper, that’s it, it looks like the old armrest of a chair, broken, it’s nothing more than a form in plastic, a broken form
It is not a pepper, it is the strut of the old armrest
It’s a place where we liked to play as children, isn’t it?
That’s true
And at the same time, you, another you, a completely different you, you say: “Finally it makes me think of a vanity, yes, a vanity: it’s an old rotten tractor, all wrecked, and it’s a beautiful aubergine that, if it stays there any longer will rot, and quicker than the tractor: my god, how all of this is vain! Perhaps even the gesture of the artist! And perhaps even the gesture of the watcher! And perhaps even…!”
Ok yes…
It’s beautiful! It’s beautiful, isn’t it?
It’s beautiful
But, exactly, you were quietly asked the question: why don’t you photograph beauty? We seemed perplexed, you can imagine, and this quietly really pissed you off, both the dumb question of beauty and simultaneously your shorn wings of a photographer without beauty
Yes
And so you needed to go look at that side of things, with, at your side, people who love the kitsch beauty of sunsets, beautiful images, beautiful posters that contrast with the agricultural world, and who also love useful beauty, the beautiful field that is well cultivated, the beautiful tractor because it performs well, etc.
That’s it
And in fact, what you see, and what you want to document, is in the guise of beauty, a taste for the fake, and everything that we will see with your eyes will be the false within the fake, but one has to look closely to see the fake
Yes
And not fall into the fake–fall, “false,” this is an unusual conjugation of the verb fall, trip, misstep, miss whatever we want
What? What are you saying?
The beautiful, in agriculture as everywhere else, is the story of make-up, and it is beautiful to go and see ways and means of make up, of our makeup
This is your own way of saying it
Is it beautiful?
It’s beautiful
But “beautiful” never really dissolves completely, right?, like Jacques Brel’s “Beautiful, beautiful and stupid at the same time,” we keep our “Beautiful, beautiful and true at the same time” in our camera lucida, sheltered from indiscreet eyes
We?
Everyone, even curators of contemporary art, will never speak of beautiful, because its taboo, because it’s outdated, because it’s old fashioned, and so they keep themselves in their camera lucida, sheltered from indiscreet eyes
Everyone?
Everyone
Those are your words
Yes
But you? What you see, what you want, what you receive, what you understand, what moves you, what is it?
…
Because here, everything that you’ve done, apart from this end that belongs to you more than it does to me, is to translate what I said about what I did and was trying to do
Yes
Your place, but where is your place?
It’s the agricultural high school in Neubourg?
But the high school is empty, Spring, traditional
The tractor was here, does it still work? we don’t know, we don’t think so
There’smeandyou, you know, like the fruit crates
Me andYou, the brand
What do you and me say to each other?
For you, it’s the final year students in MMA, in CGEA and 11th-grade STAV, and all of the others
For you, it’s the teachers from socio-cultural studies and lots of others, who are part of what we do here in this high school
You’re the resident artist
And it’s the Photography center of Normandy, and the person who lives from and in
You also give a writing workshop here
You’re also the former teacher of socio-cu, who started this kind of cultural thing in the school
You’re the parents, who are also the city’s inhabitants
Friends too, artists, the art world
The beautiful people too, officials, you’re that too
And me?
Me?
It’s the same
The same?
The same
But in random correspondences
Your power, and my power, are quite the same, varied, increased or decreased, activated or canceled, in relationships, in correspondences
There’s you, and there’s me, and there’s this particular effort of going to you, of going to me
And it is neither mechanical nor alimentary, I don’t eat you, you don’t eat me (although?)
You don’t make me, I don’t make you (although?)
I don’t use you, you don’t use me (although?)
You and me, social distancing!
And the love we have for each other, how will it be expressed?
And the hatred of men who fight, how will it be expressed?
And the touch of all that touches us, how will this take place?
Here, when we ask the question: “And you?”
Who will “you” be?
It will always be me, but in a different place, right?
I can not answer, I can overthink, I can complain, I can answer with answers interposed with other answers, there is room, everywhere, to express oneself, to deal with, to move toward the relationship
This is an image that calls you even though you hadn’t thought of doing it, is that it?
Yes
You were walking with an aubergine, you were looking where, and with what, to connect it, in a formal relationship, with motors for example, and in relation to tools, consistent with the fact that there were tools there for producing
That’s it
And if we look properly at your aubergine, there’s something special on it, an envelope, a strange wrapping; a plastic film...
That you yourself made, not to sell it but to display it somewhere…
And the film is the same material that one of the students uses for customizing, for customizing his car, his passion
...
This is what makes it green and purple, depending on our movements, how our view shifts, the color changes as we move
...
You have to want to look in order to see that, no?
Yes
It’s beautiful
Yes
Like apples in a supermarket: they have also been wrapped, to shine more, to sell more, and they look like plastic apples – you really have to want to look
...
Because, what’s more, the aubergine, we don’t see it right away
No
...I made a mistake, the plasticized aubergine is in another image, I got carried away by your other images and their technique, their desire to envelop, to enrobe, for wrapping, for film – this common vocabulary with photography, whereas, here, the aubergine is bare
yes
You’re walking through an empty high school with a bare aubergine, you see this abandoned tractor in a corner and, hey, it doesn’t take more than 20 seconds, you place the aubergine on the driver’s seat, no, first you sit in the driver’s seat, you feel the driver, the cabin of the tractor, then you get down, you place the aubergine and you take the photo
Yes
You don’t overthink it, you take the photo
Yes
The thinking is done before and after
Yes
And it’s an image that calls to you because you hadn’t planned to take it
Yes
And it’s an image that responds well
Yes
(where is the location of those who look, who read, here, around, and who, at all moments, will make images, writing the speech of the image, answering the question “and you?” where is it, this place, that wishes to simultaneously forget yours and at the same time encounter it, find it, where is it?)
And to what does it respond, the image that is made?
?
The gesture that you made disappear
That’s it
The gesture is to have placed the aubergine on the seat, that is the gesture
Yes
The gesture in the strong sense of an artist’s gesture, the kind of gesture that one recognizes in every artist, ah! This artist, one says, with that gesture, is this it?
Yes
No, the gesture is not only that of having placed the aubergine as you placed it, let us place a seed, plasticized or not, at eye level and on a kind of visual platform, and here, with the tractor, the platform is there where you place your ass, it is more than this, the gesture, it is to make the gesture disappear: here, I hadn’t seen this, says the looker, there is an aubergine that has been placed, forgotten on this seat, why? Is that it?
Yes
And so, what works, what functions in the brain’s engine, in the eye’s engine, what functions, is perfection, clarity, the perfect order of the aubergine, in contrast with the disorder, the dilapidation, the outdated aspect of this tractor.
I agree
You didn’t want to approach it like a news story, which is the principal, usual approach of your work
That’s right
You couldn’t because there was no one left in the high school, because of Covid
That’s right
So you found yourself all alone, and you couldn’t do what you usually do, take a lot from people, take the life that they tell you, and document it, their own gestures, the gestures of each person, the gesture-artist of each person, you couldn’t
No
And so it was your own gesture that you had to take, that you had to make, that was the subject, that became the subject of your image
That’s right
And at the same time, it bored you, images whose only subject is their “gesture,” their aesthetic number, this bores you, you are no longer of interest, you tell yourself, to a gaze truly interested in what it sees
That’s right
So you dissolve the gesture in something more vast, you confront the disorder that the order of your gesture can not order, you document your gesture, you rediscover this contrasted taste for art and the document, for art as document, and for the truly artistic value of the document, you find an art school that you love, that structured your work, a school that reduces the dimension of the looker and that enhances the place of the photographed subject, a certain school of the neutral, and so there, you vibrate, in front of yourself exactly as in front of another
Yes
And we, who find ourselves in front of this, what do we see? What do we think? What do we understand?
?
The aubergine is peaceful, it is soft, it is restful, it is relaxing, it is casual – here! It looks like a pepper, above, at the level of the seat-back, if one doesn’t look closely, it looks like a pepper! It’s not a pepper, that’s it, it looks like the old armrest of a chair, broken, it’s nothing more than a form in plastic, a broken form
It is not a pepper, it is the strut of the old armrest
It’s a place where we liked to play as children, isn’t it?
That’s true
And at the same time, you, another you, a completely different you, you say: “Finally it makes me think of a vanity, yes, a vanity: it’s an old rotten tractor, all wrecked, and it’s a beautiful aubergine that, if it stays there any longer will rot, and quicker than the tractor: my god, how all of this is vain! Perhaps even the gesture of the artist! And perhaps even the gesture of the watcher! And perhaps even…!”
Ok yes…
It’s beautiful! It’s beautiful, isn’t it?
It’s beautiful
But, exactly, you were quietly asked the question: why don’t you photograph beauty? We seemed perplexed, you can imagine, and this quietly really pissed you off, both the dumb question of beauty and simultaneously your shorn wings of a photographer without beauty
Yes
And so you needed to go look at that side of things, with, at your side, people who love the kitsch beauty of sunsets, beautiful images, beautiful posters that contrast with the agricultural world, and who also love useful beauty, the beautiful field that is well cultivated, the beautiful tractor because it performs well, etc.
That’s it
And in fact, what you see, and what you want to document, is in the guise of beauty, a taste for the fake, and everything that we will see with your eyes will be the false within the fake, but one has to look closely to see the fake
Yes
And not fall into the fake–fall, “false,” this is an unusual conjugation of the verb fall, trip, misstep, miss whatever we want
What? What are you saying?
The beautiful, in agriculture as everywhere else, is the story of make-up, and it is beautiful to go and see ways and means of make up, of our makeup
This is your own way of saying it
Is it beautiful?
It’s beautiful
But “beautiful” never really dissolves completely, right?, like Jacques Brel’s “Beautiful, beautiful and stupid at the same time,” we keep our “Beautiful, beautiful and true at the same time” in our camera lucida, sheltered from indiscreet eyes
We?
Everyone, even curators of contemporary art, will never speak of beautiful, because its taboo, because it’s outdated, because it’s old fashioned, and so they keep themselves in their camera lucida, sheltered from indiscreet eyes
Everyone?
Everyone
Those are your words
Yes
But you? What you see, what you want, what you receive, what you understand, what moves you, what is it?
…
Because here, everything that you’ve done, apart from this end that belongs to you more than it does to me, is to translate what I said about what I did and was trying to do
Yes